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Féminisme et travail du sexe

J’ai eu un échange assez particulier avec d’autres femmes sur le compte instagram @OsezLeFéminisme. La publication de départ parlait de la pornographie et affichait des idées clairement prohibitionnistes avec lesquelles je ne suis pas en accord. Autant il peut être enrichissant d’échanger avec des personnes aux idées différentes, autant ça peut être violent à souhait. Cet échange fait partie de cette seconde catégorie et ouvre le bal des articles personnels, écrits à chaud, avec un contexte particulier. Il n’y aura donc pas de plan, pas de structure particulière. Pas de source. Uniquement une opinion personnelle. Je n’ai pas la science infuse, peut-être que j’écrirai des choses fausses, ou des choses avec lesquelles je ne serai plus d’accord dans plusieurs années. La déconstruction, c’est sur toute une vie.

La publication en question

De base, je ne suis pas ce compte, à cause entre autres de ses idées anti-TDS.

J’estime que le travail du sexe, quel qu’il soit, peut être un travail choisi, librement consenti, et épanouissant. Que ce soit du massage, du tournage ou de la réalisation pornographique, du virtuel via des plateformes type OF ou MYM, ou encore avec de la clientèle en chair et en os. Il y a une multitude d’exemples de TDS sur les réseaux qui en parlent, qui ont librement choisi leur voie, et qui se plaisent dans ces métiers. Nikita Bellucci, Libellule, Osmose, Jade Lavoie, Cybèle, Samantha… plein. Dans des domaines différents certes, mais dans le travail du sexe. Si tu peux gagner de l’argent grâce à des prestations de services à de la clientèle, que ce n’est pas illégal et que tu peux les déclarer à l’URSSAF, c’est un métier. Quoi qu’on en dise.

Alors oui, il y a des dérives. Très lourdes de conséquences. On a des productions merdiques qui exploitent les actrices, à la J&M. Des réseaux qui exploitent des femmes et même des mineures, qu’iels soient immigré.e.s ou Français.e. Oui, il y a un paquet de merde dans ce domaine, des victimes, des bourreaux. Et ces dérives là, elles sont inacceptables.

Je pense que ce n’est pas contre le travail du sexe qu’il faut lutter, mais contre ses dérives. Contre les proxos et producteurs qui exploitent des personnes qui n’ont pas choisi ce job. Qui les forcent à faire des choses pour lesquelles elles ne sont pas consentantes. Contre les sites à la PH, JM ou YP qui diffusent des vidéos piratées, qui montrent du revenge porn ou des viols, et qui ne font rien pour préserver les mineur.e.s de ce contenu. Parce que clairement, le petit encart “J’ai bien 18 ans”, c’est de la merde. On a tous.te.s cliqué dessus alors qu’on n’en avait pas l’âge. Pareil pour les parents qui ne mettent pas de contrôle parental sur leur accès internet et qui laissent leurs gamins faire ce qu’ils veulent sur le net. Dîtes pas que votre gamin.e “ne ferait pas ça”. On l’a tous.te.s fait. Pour la génération de nos parents, c’était les VHS en douce la nuit quand tout le monde dort. Aujourd’hui, c’est la navigation privée, sans aucune protection. Et avec des sites qui en ont rien à foutre.

C’est Nikita Bellucci qui parle très bien de ce sujet, et qui milite pour la protection des mineurs face au contenu porn. Ovidie a aussi écrit un essai très intéressant sur le sujet. Robin d’Angelo a aussi fait un essai sur l’industrie pornographique, en tant qu’infiltré. Cet essai n’a absolument pas été respectueux de nombreuses actrices, qui s’en sont plaintes. Il illustre toute fois très bien les abus de producteurs ignobles. (L’achetez pas, vraiment. Faut pas donner de thune à ce mec, qui a participé à ces dérives en acceptant d’assister à des tournages avec des actrices forcées, ou même de participer à un tournage cagoulé, dans des conditions horribles pour l’actrice en question. Il doit bien exister des versions PDF en ligne, pour les personnes qui ont l’estomac bien accroché et qui ne sont pas trigger sur les pratiques sexuelles non consenties. Je l’ai acheté, lu, et regretté d’avoir dépensé ma thune à cause de l’attitude du “journaliste”, qui finalement a été plus opportuniste qu’autre chose, et se fait de la thune comme les producteurs qu’il dénonce: en s’étant bien rincé l’œil et profité des femmes.)

Interdire la pornographie et le travail du sexe de façon générale ne protègera personne. Au contraire. Le parallèle est exactement le même avec la drogue ou l’avortement: interdire n’empêche rien, et pousse à des situation dangereuses. Y’a qu’à voir comment les femmes galèrent pour avorter dans les pays ou ce droit n’est pas garanti, ou dans certains quartiers aux parfums bucoliques. Interdire, c’est forcer à un marché parallèle encore plus dangereux. C’est cacher les choses sous le tapis. C’est aussi dégueulasse que les dispositifs anti-SDF à Paris: ça déplace le sujet ailleurs, à l’abri des regards.

Légaliser permet d’encadrer et de sécuriser. Interdire, c’est contraindre au danger, et choisir la répression à l’éducation et à la sensibilisation.

J’ai beaucoup de mal avec ce féminisme à double niveau. Je ne comprends pas comment on peut se revendiquer féministe mais vouloir interdire le travail du sexe. Le corps des concerné.e.s ne concernent qu’elleux. Décider pour les autres de l’utilisation du corps est immonde. Ça me fait penser à ces gens qui sont contre l’avortement alors qu’ils ne sont pas concernés. T’es pas concerné, mais t’es pas d’accord, donc tu estimes que tout le monde devrait respecter tes idées. Comme tout. Drogue, mariage pour tous, avortement, TDS… ce sont souvent des gens qui ne sont pas concernés qui veulent décider à la place des personnes concernées. Et ça me donne la nausée. Parce que les gens avec qui j’ai échangé, même si tu exposes des arguments, que tu prouves que le TDS peut être choisi, quoi que tu dises, ils estimeront qu’ils ont raison et que toi tu as tort. Ça respecte les femmes… qui pensent de la même façon. T’as beau dire que le porno éthique existe, donner des exemples de productions safe et d’acteur.ice.s épanoui.e.s, on te répond que non. Que c’est pas possible, que ces personnes sont forcément sous emprise.

Il y a eu un contre sens qui m’a fait rire jaune. On m’a clairement dit que le porno éthique ne l’est pas, parce qu’il n’est pas accessible aux mineur.e.s. Mais heureusement qu’il n’est pas accessible facilement! Déjà parce qu’il faut rémunérer les personnes qui ont travaillé sur les projets, et aussi pour protéger les minots justement! Ce discours était très “foutu pour foutu, ils materont du porno quand même, alors autant qu’ils regardent des trucs safe gratuitement”. A croire que restreindre l’accès au porno de façon générale n’était pas possible? Alors qu’il y a des solutions. Comme s’inscrire avec une carte bancaire, ou une carte d’identité par exemple. Rendre obligatoire le contrôle parental et s’y tenir en mettant justement ces contrôles pas défaut. Ne pas permettre que les images soient sur Google Images comme ça, sans filtre. Pareil pour Twitter, qui devient un site de cul sur lequel des TDS mettent des photos bien explicites sans mettre le filtre, alors qu’il y a des mineurs.

On peut avoir des avis différents sur le sujet. Mais pas manquer de respect pour les concerné.e.s, ou pour les personnes qui ont un avis contraire. Je ne comprends pas comment on peut être féministe et contre le travail du sexe. On ne peut pas être féministe si on ne respecte pas toutes les femmes. Toutes, ainsi que les personnes non binaires et trans, ou aucune. Tu peux pas être féministe mais en même temps vouloir contrôler le corps de celleux qui veulent en tirer profit. C’est un non-sens.

Ne pas être contre le travail du sexe, et soutenir les concerné.e.s, ce n’est pas cautionner les dérives de ce milieu. Au contraire. C’est, à mon sens, en être conscient.e et savoir contre quoi lutter, au lieu de vouloir tout abolir aveuglément sans se soucier des conséquences.

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