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Le féminisme peut-il être extrémiste?

Depuis que je m ‘intéresse au féminisme, j’ai découvert que les gens peuvent être très sceptiques quant à ce mouvement. Parmi ces gens, il ressort parfois (voire même souvent) que le féminisme de nos jours est extrême. C’est donc l’occasion de s’interroger sur cette notion de féminisme extrémiste.

“Ça va loin tout ça, quand même..!

Pour beaucoup, le féminisme se résume à la haine des hommes, aux manifestantes seins nus et au “wokisme”.

Oui, il y a des féministes qui n’aiment pas les hommes. Ce serait mentir que de dire le contraire. Parmi les misandres, certaines vont éviter les hommes au maximum, se pencher du côté du lesbianisme politique. D’autres iront boycotter les hommes jusqu’à n’écouter et lire que des médias produits par des femmes. Cependant, la misandrie n’est pas une violence, mais une stratégie d’évitement afin de se protéger.

Il y a des manifestant.es qui marchent seins nus dans la rue pour ne pas passer inaperçues. Pour que la manifestation ait plus d’impact et manquent les esprits. D’autres font des manifestations en faisant les mortes au sol sur de grands espaces très fréquentés, comme l’a fait le collectif #NousToutes31 le 22 Octobre à Toulouse. Ces manifestations sont pacifiques.

Puis elles en font quand même des caisses et des caisses, ces féministes. On ne peut plus rien dire sans que ce soit mal pris, elles écrivent avec des points partout. Utilisent des pronoms qui n’existent pas. Genrent tous les mots au féminin et font des phrases comme “Moie, j’aime la fromage.” Ça n’a plus aucun sens, ce wokisme. Le VRAI féminisme, ce n’est pas ça. Elles veulent dominer les hommes, c’est devenu n’importe quoi, leur délire de néo féministes est trop extrême!” Avoue que ce discours, tu l’as déjà entendu. Je suis sûre que oui.

Est-ce vraiment SI extrême que ça?

Revenons à la base.

Le féminisme, grosso-merdo, c’est la lutte contre le sexisme. Si l’on s’en tient aux mots, dire que le féminisme est extrême signifie qu’il lutte trop contre le sexisme. Ça revient à dire qu’il faut quand même garder un peu de sexisme, ne pas complètement lutter contre.

Si l’on se penche sur différents autres mouvements sociaux, on constate qu’aucun d’entre eux n’a jamais fait preuve d’aucune violence. L’Histoire l’a démontré: aucun mouvement social n’a jamais abouti sans qu’il faille taper du poing sur la table. On peut citer entre autres les soulèvements de Mai 68, la révolte des Gilets Jaunes fin 2018, ou encore la révolution Française en 1789.

Revenons-en au sexisme. Aux statistiques effrayantes de ses conséquences sur les femmes et personnes non cisgenres. En France, une femme est violée toutes les 7 minutes. 73% des plaintes pour viol sont classées sans suite.

Revenons-en au patriarcat et à ses répercussions accablantes encore en 2022. 71% des français.es estiment vivre dans une société patriarcale. Les droits des femmes ne sont pas considérés comme prioritaires par le gouvernement, en 2022.

Pourquoi parle t-on volontiers de féminisme extrémiste, sans jamais désigner ainsi le sexisme et le patriarcat? Il faut changer de cible. Ce n’est pas le féminisme qui est extrême. Le féminisme se bat contre l’extrême que représentent le patriarcat et le sexisme. Oui, tu peux ne pas aimer telle ou telle façon de lutter. Mais toi, que fais-tu à ton échelle pour faire changer les mentalités? C’est trop facile de désapprouver des moyens de lutte quand on ne s’implique pas soi-même. Il n’existe pas UN féminisme, mais DES féminismes. Tu peux te reconnaître ou non dans ses différents courants. Cependant, le féminisme extrémiste n’existe pas.

Concrètement, il est extrême ou pas le féminisme?

On peut facilement deviner que le féminisme est extrême pour deux types de personnes :

  • Les hommes qui tiennent à garder leurs privilèges et leur domination sur les femmes.
  • Des personnes formatées dès leur enfance au patriarcat qui peuvent perpétuer des actes et paroles sexistes sans s’en rendre compte. Ces personnes ne sont pas déconstruites.

Il n’est pas rare de constater qu’il y ait un amalgame entre ce qu’on juge comme étant une féministe extrémiste et le néo-féminisme. De cette façon, ce qu’on juge comme extrême est différencié de ce qui devrait être un “vrai féminisme“. Ce terme permet aussi de différencier la vague féministe actuelle avec les précédentes, comme si elles étaient moins violentes. Sauf que ce n’est pas vrai. La quatrième vague féministe n’est pas plus violente que les précédentes. En effet, grâce aux réseaux sociaux et à internet, le féminisme actuel fait plus de bruit. C’est tout.

Chaque mouvement a ses détracteurs. Lors de la deuxième vague féministe, ce raisonnement parlant d’extrémisme était déjà là. Les suffragettes ou les militantes se battant pour la légalisation de l’IVG étaient considérées comme extrêmes, et pourtant nous avons obtenu ces droits. Ces droits existent grâce aux femmes, pas grâce aux hommes. Lors de la prochaine vague, il y aura encore des détracteurs pour dénigrer la future vague actuelle et partir sur du “c’était mieux avant”… Alors que le “avant” a été jugé d’extrême à son époque. Ce phénomène existe pour plein de sujets et continuera encore bien longtemps.

Conclusion

Ce que l’on peut constater, c’est qu’on n’aime pas les femmes qui l’ouvrent, qui cassent les codes, qui veulent un monde meilleur et qui le revendiquent. C’est propre à la société patriarcale: si les concernés étaient des hommes, ils ne seraient pas vus comme des révolutionnaires extrêmes.

Se rendre compte de ses propres biais sexistes, c’est difficile. On nous formate comme ça depuis l’enfance. Des garçons dynamiques et ambitieux, des filles douces qui ne font pas de vagues. Des garçons qui prennent leur place, des filles qui se font discrètes. La déconstruction, ça demande de pouvoir se remettre en question, et tout le monde n’en est pas capable. Et dans ce cas, il est plus facile de juger un mouvement comme étant extrême plutôt que d’admettre qu’il y a un travail à faire sur soi. L’esprit humain fonctionne comme ça, il a tendance à choisir la facilité.

Quand on est face à une personne qui juge le féminisme d’extrême, on est en face d’une personne qui ne connait pas bien le sujet, ou qui l’est de façon superficielle. La preuve: on retrouve toujours les mêmes arguments quand on demande à ces personnes ce qu’elles pensent du féminisme. C’est le compte Instagram @tupensesquoidufeminisme qui net en lumière la similarité des réponses à cette question. Parmi les plus fréquentes on trouve ces réponses :

  • Ça dessert la cause,
  • Elles vont trop loin, c’est exagéré,
  • Les néo feministes haïssent les hommes,
  • Elles se trompent de combat…

Chaque mouvement social a son lot de détracteurs, qu’il aboutisse à de nouvelles libertés ou non. Tous ces mouvements ont pu être qualifiés d’extrêmes.

Dans le cas du féminisme, ses détracteurs sont formatés par le patriarcat et n’arrivent pas à se remettre en question, et ne sont pas suffisamment renseignées sur le sujet. Leurs arguments sur le féminisme sont toujours les mêmes, et la boucle du “c’était mieux avant” se répète à l’infini de la même façon que chaque génération pense que la suivante est pire que la leur.

Avant de coller l’étiquette d’extrême à un mouvement social, renseignez-vous sur ce contre quoi il lutte. Vous ne trouvez pas plutôt que c’ est le sexisme qui est extrême? Il n’y a qu’à regarder les statistiques qui portent sur les inégalités entre les genres. Ce qui est extrême, ce n’est pas la lutte en elle-même, mais la raison de cette même lutte.

Pour aller plus loin…

La galanterie est-elle sexiste?
Qu’est-ce que le sexisme?
Qu’est-ce que la misandrie ?
Que défend le féminisme?

Sources:

Haut conseil de l’égalité femmes hommes
Enquête IPSOS: Représentations des Français sur le viol
Enquête IPSOS: Un climat présidentiel différent

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